Où sont passés nos hérissons ?
Enquête de Adam NICOLSON
Bien que protégé depuis 1981, le hérisson se meurt inexorablement en
Angleterre mais également en europe.
Les hérissons de grande Bretagne disparaissent progressivement et à ce
rythme en 2025, il n'y en aura plus. Ils ont déjà pratiquement disparu depuis
longtemps du centre de Londres. Nous savions que leur nombre diminuait mais une
enquête sérieuse est venue confirmer ces faits. Sur 15 ans, les hérissons tués
sur les routes ont diminué de 50% en Grande Bretagne.
Le déclin des hérissons est connu depuis bien des années mais le rapport
de M. Bright souligne de façon dramatique la chute des effectifs. Mandaté par
le Joint Nature Conservation Committe qui est gouvernemental et le People's
Trust For Endangered Species (les espèces en voie de disparition), son rapport
met en lumière un déclin sérieux, l'équivalent d'une alerte rouge pour les
hérissons. Ses conclusions seront transmises au ministre à la fin du mois de
janvier 2006, elles provoqueront une onde de choc de part les bastions du
conservatisme.
La méthode de recensement est paradoxale, faire un trajet en voiture sur
une portion de 30 kms, puis calculer le nombre de hérissons morts, (il ne
s'agit pas d'une statistique pour comptabiliser le nombre de hérissons tués par
les voitures) mais la quantité de hérissons se trouvant dans le périmètre en
question. En effet le nombre de hérissons morts sur les routes est révélateur
de la quantité de la population. Sur les 4 dernières années, M. Bright a
coordonné des études sur plusieurs milliers de conducteurs à la recherche de
hérissons écrasés. Durant cette période, le nombre d'animaux recensé a chuté à
un rythme de 5% par an. Comparant ces recensements avec d'autres études faites
dans les années 1990 M. Bright estime que la chute sur l'ensemble est aux
environs de 50% sur les quinze dernières années, il peut affirmer sans
équivoque que les données sont fiables et montrent que la tendance suggère une
chute inévitable à moyen terme. En multipliant le nombre de hérissons qu'il a
comptabilité sur un terrain de golf, le docteur Pat Norris, (le grand père de
tous les zoologues de hérissons), estime que la population Britannique des
hérissons dans les années 1995 était de 2 millions d'individus. De nos jours,
le nombre d'animaux n'est plus que de 1 million.
A part l'ouvrage de M. Bright, rien n'est entrepris pour déterminer ce
problème. Selon M. REEVE, (écologiste pour les parcs royaux) qui a consacré de
nombreuses années de travail sur le hérisson, " il n'y a tout simplement
pas d'intérêt pour cette espèce de la part du gouvernement en place " M.
Bright quant à lui, a dû faire appel à des dons privés de la part
d'associations caritatives pour mener à bien son travail.
Les gens disent qu'ils raffolent des hérissons mais essayez un peu de
financer de réelles recherches sur cette espèce, vous vous trouverez face à une
certaine indifférence, la plupart de la population s'en moque.
La disparition du hérisson serait bien plus que la simple perte d'une
petite épineuse Mme TIGGYWINKLE, (personnage de livre d'enfants en Angleterre)
à la différence de chaque animal existant dans ce pays, (à l'exception de la
taupe dont la condition est pour le moins encore plus difficile et également
destinée à sombrer dans l'oubli), le hérisson a toujours été un symbole et une
incarnation de cette chose subtile et tendre à l'intérieur du paysage. Ce n'est
pas un animal visible et provocateur, au contraire il est discret et nocturne.
Le hérisson est emprunt de mœurs fortement conservatrices, exemple ce
hérisson russe qui retrouva son chemin dans la toundra après y avoir été
transporté à 65 kms de son territoire.
Le hérisson ne cesse d'être mutilé dans son monde inoffensif, il peut
tomber dans un trou et se retrouver prisonnier de grilles, de soupiraux ou de
caves dont il ne peut sortir sans aide extérieure. Il passe la journée à
somnoler dans les hautes herbes où les débroussailleuses le déchiquettent, il
est brûlé par des feux de feuilles. Il est la proie des filets de fruits dans
les jardins, il meure étouffé dans des gobelets en polystyrène contenant des
résidus de crème glacé. Le hérisson n'est pas un animal moderne, il a côtoyé
les mammouths et vit majoritairement caché, timide, discret et effacé, il
l'hôte silencieux, humble et innocent de nos jardins.
Il a été souvent persécuté par le passé et hélas de nos jours il est
encore consommé par la communauté des gens du voyage et ce, malgré son statut
d'espèce protégée. M. John BYROM un poète du 18ème siècle portait 3 hérissons
sur ses armoiries " un ennemi pour aucun et l'ami de tout le monde "
disait- il pour faire sa louange " réfractaire quoique agressé à agresser
à son tour " emprunt d'une dignité médiévale.
Créature chassée également par la brutalité des paysans qui s'imaginaient
que qu'il buvait le lait de leur vaches. Les chiens que l'on lançait à sa
poursuite, les coups de bâton et les lancements de pierre qu'on lui assenait
sous l'indifférence de tous, cette guérilla heureusement est maintenant
complètement illégale et proscrite depuis 1981.
La perspective de leur disparition est épouvantable, en partie car le
hérisson est l'âme même de l'Angleterre mais c'est aussi une vision perdue de
l'Angleterre.
Sa façon de débusquer les scarabées, les cafards, les chenilles, les vers
et parfois manger les grenouilles, les souris et les œufs des poussins
constitue son univers tranquille et discret dans des bosquets à l'écart des
humains. Son inaptitude face aux champs immenses sans aucun bocage, autrement
dit, son penchant pour le modeste le marginalise faisant de lui un parfait
indicateur de la santé de nos haies et de nos jardins. On serait tenté de dire
que si un lieu ne convient pas au hérisson c'est qu'il ne convient à personne.
C'est un " trésor ". Le British Hegehogs Preservation Society (BHPS)
compte 600 bénévoles actifs qui se sont occupés en une année de plus de 2000
hérissons blessés, malades, empoisonnés ou brûlés. Pourquoi cet engouement ?
Parce qu'ils ont une adorable frimousse et qu'ils sont forts utiles rapporte
Fay VASS du BHPS.
Seule l'Angleterre peut parler des animaux sauvages en ces termes. Le
déclin du hérisson s'observe à l'est du pays mais c'est un phénomène national
(je dirai même européen). Le Scottish Natural Heritage (SNH) les extermine sur
les îles de Uist (en Ecosse) pas pour leur prolifération mais pour protéger les
nids des échassiers des îles dont les œufs ont été la proie de quelques
hérissons échappés de chez leur soigneur. Le D. Bright pense que la cause du
déclin national est également largement causée par la destruction des haies
pour faire de grandes surfaces cultivables et perturbe grandement la vie du
hérisson.
L'abandon des bocages a retiré la résidence naturelle et principale du
hérisson où il se complaisait à chasser et à vivre " le hérisson est un
animal habitué à vivre en bordure et il est parfaitement évident que si l'ont
retire un maximum de haies pour élargir les champs, le hérisson doit couvrir bien
plus de terrain pour chasser " M. Bright projette une étude comparative
cet été, sur la densité de population des hérissons, à la fois sur les grands
paysages et sur les plus petits.
L'espèce s'est mis à disparaître 30 ans après la perte des bocages mais
l'absence des haies n'est pas l'unique cause, les pesticides largement utilisés
en masse contribuent également à leur déclin " la biomasse a purement et
simplement été supprimée " cet usage a affaibli le métabolisme du
hérisson, sans parler des effets agissant à long terme sur les futures
générations de hérissons en modifiant leur métabolisme. Le hérisson semble être
bien plus heureux et préservé dans nos jardins où règne une sorte de "
nature préservée " Il existe des traces d'agriculture biologique qui
encouragent les propriétaires terriens à laisser des promontoires non labourés
en périphérie des terrains agraires mais pour l'instant ils ne font pas de
grandes avancées sur les étendues exploitées chimiquement. La question pour les
hérissons sauvages est de savoir si ces changements vont intervenir
suffisamment vite.
M. Nigel Reeve affirme que l'urbanisation a contribué et contribue de
plus en plus au déclin de l'espèce. Le hérisson adore les interstices, les
coins sauvages et fouillis fait de ronces où ils se dissimulent dans la journée
ou pendant l'hiver. Il faut défragmenter les cités afin qu'il y ait davantage
de friches, le hérisson se meurt car nous ne savons pas ce que nous lui faisons
subir. Sans cette connaissance nécessaire de l'animal, très silencieusement un
monde inoffensif se fait maltraiter agresser et le fait qu'il ne se voit
presque pas, on n'en parle guère, si l'on n'adopte pas une doctrine d'action
rapide, le hérisson s'éteindra d'ici quelques décennies et ne sera plus qu'un
simple souvenir pour les générations à venir.